Du piment dans les yeux
Les Solitaires intempestifs, 2017
128 pages
PERSONNAGES :
5 femmes
16 hommes
la pièce est conçue pour être prise en charge par deux comédiens et deux comédiennes ou par un groupe
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Prix et sélections
lauréate du prix Sony Labou Tansi – Les Francophonies – des écritures à la scène, 2021
lauréate du prix Collidram – association Postures, 2019
finaliste du prix Ados – Maison du Théâtre d’Amiens, 2018
remarquée par La Revue des livres pour enfants, 2017
lauréate de l’aide à la création d’Artcena, 2016
sélectionnée par le collectif À mots découverts, 2015
Soutiens à l’écriture
commande du Fracas, CDN de Montluçon & de la compagnie Anteprima (Antonella Amirante), 2016
écriture accompagnée par le collectif À mots découverts, 2016

Du piment dans les yeux, c’est l’histoire croisée de Mohammed et d’Inaya, tous deux partis sur les routes pour tenter l’aventure d’une vie meilleure. Elle fuit la guerre, lui est mû par une inextinguible soif d’apprendre et de continuer à étudier. D’une séquence à l’autre, la pièce suit en alternance le parcours de ces deux jeunes gens qui affrontent notre monde et – sans résignation – luttent pour se construire une existence digne. Du piment dans les yeux commence légalement et finit sans papiers, commence sous le ciel d’Afrique et se termine sur les eaux de la Méditerranée. Entre les deux : les exils, les fuites, la débrouille et surtout, l’irrésistible envie de ne pas subir.

mise en scène Julien Geskoff
(c) Cécile Durieux

mise en scène Antonella Amirante
(c) Mickaël Rodriguez

mise en scène Marylin Pape

mise en scène collective, 2020
extrait
– Imaginez : un gamin qui marche seul sur le trottoir de sa ville.
– Un gamin ?– C’était il y a longtemps alors je dis un gamin, oui.
– Soleil de plomb.
– Ombres courtes.
– Et lui qui marche en bordure de trottoir.
– Un pied devant l’autre…
– Il danse, presque !
– C’est Mohamed ?
– Évidemment, c’est Mohamed.
– Je vous présente Mohamed : marcheur en équilibre sur le trottoir empoussiéré de sa ville.
– Regardez : il porte déjà son T-shirt VICTORY – deux doigts levés sur un soleil levant.
Mohamed. – La Victoire.
– C’est comme ça qu’on l’appelle dans les cours de son quartier.
Mohamed. – Mohamed Victory.
– Dans les ruelles du port.
– Salut à toi, Mohamed La Victoire !
– C’était il y a longtemps.
– Son T-shirt est encore presque neuf.
Mohamed. – J’ai quinze ans.
– Un gamin !
– C’était il y a longtemps !
Mohamed. – Je termine le collège. Aujourd’hui, je termine le collège !
– Et maintenant, tu cours presque sur le trottoir de ta ville.
l’écriture
Au printemps 2015, Antonella Amirante, metteuse en scène de la compagnie Anteprima, partage avec moi l’histoire de Mohamed Zampou, un jeune homme parti solitaire de Côte d’Ivoire et arrivé sain et sauf à Nantes, dans le seul but de continuer ses études. Le récit de son aventure, la singularité de son parcours, m’intriguent immédiatement. J’aime cette quête, ce désir si intense d’apprendre qui fait braver tous les dangers à Mohamed.
À la même période, le Fracas – CDN de Montluçon, m’invite à écrire une pièce à destination de lycéens. Leurs enseignants m’ont expressément demandé de les faire sortir du lycée, de faire entre le monde dans leur univers scolaire.
Je décide alors de mettre ces jeunes gens dans les pas de Mohamed.
Dans la réalité, l’histoire de Mohamed se termine bien. Au moment où j’écris ces lignes, le jeune homme a depuis longtemps fini ses études dans un lycée nantais, il veut devenir pompier et a obtenu la nationalité française – grâce au sauvetage héroïque et très médiatisé de deux personnes prises dans un incendie, à Nantes.
Mais au moment où j’écris, plus je chemine et plus j’ai mauvaise conscience de raconter les milliers de vie abîmées ou sacrifiées par le voyage à travers l’exemple d’un seul qui en réchappe.
Un reportage d’Olivier Jobard m’offre un début de réponse. Sur les images, une jeune femme, crâne rasé pour se faire passer pour un homme, chaussures bricolées avec deux bouteilles de plastique, défie l’objectif droit dans les yeux. Elle ne veut plus se cacher. Elle veut que sa famille puisse la voir. Puisse voir la dureté du voyage. Sa déchéance (ce qu’elle considère elle-même comme). Inaya, le second personnage Du piment dans les yeux, est née ainsi.
J’ai croisé leur deux chemins – ces deux raisons de partir et deux destins différents. J’ai donné corps à ces deux personnages, en me permettant pour la première fois dans mon écriture d’aller un peu plus loin dans l’intime et dans l’incarnation.
Et plus que tout, j’ai voulu faire de ces deux jeunes gens non pas les victimes de notre monde, mais les héros de leur histoire.
Autour de la pièce
Dans la presse

Simon Grangeat s’est fondé sur un témoignage véritable : celui de Mohamed, un jeune Ivoirien ayant choisi l’émigration à cause de son désir ardent de faire des études. Dans la fiction, son chemin va croiser celui d’Inaya, une jeune fille fuyant l’Afrique à cause de la guerre. Porté par une narration chorale, le texte se concentre sur le périple et les épreuves très dures, inhumaines, que vivent ces jeunes migrants ; l’âpreté des situations décrites, même si elle n’anéantit jamais l’espoir des protagonistes, donne à cette pièce une portée édifiante et une valeur documentaire à mettre en lien avec d’autres œuvres du répertoire jeunesse, notamment Le Bruit des os qui craquent de Suzanne Lebeau, consacré aux enfants soldats.
Sibylle Lesourd
La Revue des livres pour enfants
avril 2018

Mohamed travaille bien au collège. Et ce jour-là, il a une bonne nouvelle à annoncer à sa famille : « Je suis le premier de toute la classe, on est plus de cent, tu te rends compte ? » Mohamed est burkinabé mais il vit à Abidjan. Alors une place lui est réservée au lycée mais l’école est chère pour les non-Ivoiriens et c’est maintenant le tour de son frère d’étudier. Lui aussi doit aller à l’école. « C’est cela qui est juste. » Alors Mohamed choisit de partir. De tenter sa chance ailleurs. Inaya, elle, se retrouve seule après la mort de son père. Une fille seule au Nigéria, c’est compliqué et c’est dangereux. Alors elle aussi doit partir. Trouver des passeurs, des guides, faire confiance ou non. Et puis bien sûr, Mohamed et Inaya se croisent. Le hasard. D’abord méfiants, et puis vite inséparables, ils vont se protéger, s’aider, se porter chance, additionner leurs courages et poursuivre ensemble le voyage.
Le texte de Simon Grangeat est porté pour l’essentiel par un chœur, le chœur des interprètes formé de tous les personnages qui vont tour à tour intervenir. Il raconte, commente, interpelle les protagonistes. Pour faire de cette double aventure un récit exemplaire, une épopée, presque un conte. Le chœur semble veiller sur ces deux enfants remplis d’espoir, persuadés que le monde ne peut pas être si dur et si laid. Et que rien n’est perdu tant qu’il y a l’envie de s’en sortir. Ils arriveront finalement en Europe, en Espagne, dans l’enclave de Melilla. Tout semble désormais leur sourire. Et pourtant : « Tu crois que ton voyage est terminé ?/ En fait, c’est presque le début de tes ennuis. / On t’enferme dans un centre d’internement./ Entre nous, on appelle ça le centre de déportation. » La fin du texte nous rappelle que tous ces gens qui fuient leur pays ne sont pas toujours les bienvenus, loin de là. Que la traversée pour gagner le continent européen n’est que la première étape d’un parcours très difficile. Et que de nouvelles épreuves les attendent dans cette richissime Europe où l’étranger est perçu comme une menace permanente.
Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges
n°188
2017

Voyage(s) en pays clandestins
Primée par des collégiens en 2019, La pièce de Simon Grangeat, Du piment dans les yeux, est l’épopée croisée, humaine et vibrante de deux migrants.
Pièce de Simon Grangeat, auréolée du prix Collidram 2019, Du piment dans les yeux commence légalement et fini sans papiers, commence sous le ciel d’Afrique et se termine dans des rues de France. Entre les deux : les exils, les fuites, la débrouille et surtout, l’irrésistible envie de ne pas subir. Parce que le théâtre se lit aussi, surtout le théâtre d’aujourd’hui qui raconte des histoires d’aujourd’hui avec des mots d’aujourd’hui ; parce que ce théâtre est une rencontre de personnages qui nous éclaire sur nous-même et sur le monde dans lequel on vit ; et parce que ce texte m’a émue aux larmes, tout simplement, j’avais envie de le partager.
Du piment dans les yeux, c’est l’histoire croisée de Mohammed et d’Inaya.
Le premier fuit un pays dans lequel il ne peut plus étudier parce que l’école coûte cher et que c’est le tour de son frère d’étudier. Pourtant, Mohammed est le meilleur de sa promo ! Et sa place dans la classe supérieure est garantie ! Mais comme le disent ses parents : son petit frère aussi a le droit d’apprendre à lire et à écrire.
La deuxième fuit un pays en guerre. Elle est partie avec son père mais se retrouve seule en chemin, déguisée en garçon.
Ainsi, chacun tente l’aventure d’une vie meilleure et traverse le pire avant de se rencontrer. Ensemble, ensuite, veillant l’un sur l’autre, s’accrochant l’un à l’autre, ils poursuivent leur quête.
Pour écrire ce texte, Simon Grangeat a eu l’opportunité d’interviewer des jeunes migrants, et notamment un dont il s’est beaucoup inspiré. Et ça se sent. Contrairement à beaucoup d’autres histoires de migrations qui ne sont pas vraiment situées, ni dans leur géographie, ni dans leur temporalité comme pour se conférer une dimension plus universelle, le dramaturge ne se prive pas de citer les pays, les lois, les abus et les difficultés.
Ce texte très ancré nous permet de suivre très concrètement le trajet de ces deux jeunes pas encore adultes. Nous éprouvons avec eux les paysages, la chaleur, l’odeur des corps qu’ils rencontrent, leurs bouches sèches de soif, et leurs corps affamés.
Au-delà de l’actualité des migrations qu’il raconte, ce récit nous fait nous poser la question de ce que nous serions nous-même prêts à endurer si dans notre pays, nous nous sentions soudain limités dans nos libertés, notre capacité à être, ou si nous étions en danger ? Que serait pour nous l’inacceptable ? La limite ? A quel moment partirions-nous ? Que serions-nous prêts à sacrifier, quels risques serions-nous prêts à prendre pour que sinon nous, au moins nos enfants obtiennent une vie tout simplement possible ?
Quant à la fin… je vous la laisse découvrir : elle nous appartient .
Ce texte est une claque d’humanité.
Catherine Verlaguet
L’œil d’Olivier
mai 2020

« L’espoir au-delà des frontières
Mohamed vit à Abidjan et cherche par tous les moyens à fuir sa condition pour poursuivre ses études. Inaya, elle, doit fuir son village pris d’assaut par les rafales. Sur le chemin d’exil de ces deux enfants, l’espoir d’une vie meilleure. Du Piment dans les yeux retracent avec ces deux portraits croisés une aventure intense, un périple effréné qui les mènera aux portes de l’Europe.
Mohamed est le meilleur de sa classe. Il souhaite ardemment poursuivre sa scolarisation mais sa famille s’y oppose pour laisser la place à ses cadets. L’école coûte chère et le jeune homme doit prendre ses responsabilités, aller au travail pour subvenir aux besoins de la famille. Inaya fuit la guerre avec son père. Coûte que coûte, partir pour Kano. Mais la route se complique pour la jeune fille après la mort de son père, la laissant seule face à la barbarie des soldats.
Simon Grangeat construit une pièce jeune public à l’apparence sombre. L’auteur n’enjolive en rien leurs conditions de vie difficiles, les embuches personnelles et sociales qui les empêchent de s’épanouir. Le langage y est dur, les images créées le sont tout autant. Sans minimiser ou exagérer, il offre un regard quasi-documentaire qui est théâtralisé par la présence d’un chœur de voix qui les accompagnera tout au long de la route. La pièce laisse pourtant une impression solaire car pleine d’espoirs et d’envies. Mohamed et Inaya traversent les frontières avec un optimisme infatigable. C’est une soif de vivre et de liberté qui jaillit des mots et contraste avec la dureté et l’horreur des réalités des exils migratoires.
Du Piment dans les yeux ouvre le regard, questionne le monde, et se trouve être une excellente pièce pour aborder l’actualité avec les plus jeunes.
Pierre-Alexandre Culo
Théâtre actu
2017


