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Nos Rêvoltes

Joseph débarque un lundi, apeuré et chancelant. Il a 12 ans. On vient de le retirer de chez sa mère. Le monde entier est devenu tout à coup étranger. À son arrivée, il fait la connaissance de Nour, jeune fille exhubérante qui connaît les lieux comme sa poche et le prend sous son aile. Les journées passent, en attendant de pouvoir retourner au collège ou bien en le fuyant… Les nuits sont pleines d’angoisses et de cauchemars. Et puis il y a le toit et les étoiles, la grande ourse… la possibilité d’un demain, au-delà du traumatisme et de la violence.

Nos Rêvoltes se déroule au croisement des mondes imaginaires et de la brutalité du réel, quand la violence s’est abattue sur des enfants. Elle met en jeu les failles, les manquements d’un système, les humanités des travailleurs qui se débattent pour tenter d’aider les victimes. La pièce a été écrite en résidence en Maisons d’Enfants à Caractère Social, comme une adresse aux vingt pour cent d’enfants suivis par l’aide sociale à l’enfance et qui ne sont que trop rarement représentés comme des acteurs de leur vie.

création par la compagnie Les Petites Gens
mise en scène Muriel Sapinho
(c) Yona Guillerm Le Duc
création par la compagnie Les Petites Gens
mise en scène Muriel Sapinho
(c) Yona Guillerm Le Duc
création par la compagnie Les Petites Gens
mise en scène Muriel Sapinho
(c) Yona Guillerm Le Duc

extrait

Il y a des enfances qui durent longtemps. Il y en a d’autres qui s’achèvent avant l’heure. La sienne commence quand il a douze ans, un lundi soir de novembre. La lumière du couloir découpe dans l’encadrement de la porte la silhouette d’une policière qui est venue pour lui.
– C’est toi, Joseph ?
– Oui.
– Tu sais pourquoi nous sommes là ?
– Oui.
– Il faudrait que tu prépares quelques affaires. Des vêtements, un pyjama. Tu vas partir avec nous, d’accord ?
– Oui.
– Prends ce qui est important pour toi. Un sac. Tu ne vas pas revenir ici avant quelques temps.
Ensuite, tout se mélange. De loin, il dit au revoir à sa mère. Elle est dans le salon. Elle pleure. Dehors, il fait froid. Il a son sac sur l’épaule. Peut-être bien qu’il pleut, même. Il frissonne. Il s’assied à l’arrière de la voiture. Le conducteur ne déclenche pas la sirène, le gyrophare non plus.
– Il ne faut pas avoir peur, d’accord ?
La voix de la policière tremble.
– Il ne faut plus avoir peur maintenant, elle dit.

l’écriture

J’écris Nos Rêvoltes au croisement des mondes imaginaires et de la brutalité du réel. J’écris pour savoir s’il peut subsister une part de rêve quand la violence du monde s’est abattue sur des enfants. Pour mettre des mots sur ce qui à trop souvent été tu jusqu’à nos jours – mais les mots les plus importants seront provoqués hors texte, hors scène, convoqués par le théâtre, pour l’après. J’écris pour les vingt pour cent d’enfants suivis par l’aide sociale à l’enfance et qui ne sont jamais présentés comme des héros ou des héroïnes. J’écris pour les éducateurs et les éducatrices, les assistantes et assistants sociaux, les infirmiers et les infirmières, les psychologues, qui ne sont jamais présentés comme des héros ou des héroïnes non plus. J’écris pour toutes les défaillances du système, la maltraitance qui vient s’ajouter à la maltraitance. J’écris pour les humains qui tentent de rester debout au milieu du naufrage. J’écris pour que reste de l’humain. Pour considérer l’autre. Considérer. J’écris pour savoir de quoi les nuits bruissent dans les couloirs des foyers collectifs, dans les chambres, sur les toits. J’écris pour peupler l’imaginaire quand ses figures fondatrices ont fait faux-bond. Pour que le rêve existe et qu’il emporte ces vies vers l’ailleurs, malgré les failles et les blessures. J’écris pour que les enfances se dressent et se rêvoltent. J’écris pour l’après, pour l’adulte qui se construit en creux au sein de chaque enfant.

Dans la presse

En urgence, la police intervient et dépose Joseph dans un foyer. On l’enlève à sa mère qui le maltraite. Complètement perdu, il rencontre Nour, une enfant vive et directe, un peu plus âgée que lui et marquée par une vie sans parents. Sous le choc de la séparation, Joseph peine à se confier. Entre affrontements et complicité naissante, les deux enfants apprennent à se connaître, partageant leurs blessures et leurs rêves. Peu à peu, ils s’apprivoisent et tissent un lien profond, devenant l’un pour l’autre un semblant de famille. Cette pièce très émouvante montre combien l’amitié procure un effet rassurant et offre l’espoir nécessaire pour affronter les épreuves de la vie.

Fanny Carel
La Revue des livres pour enfants
mars 2025

Épinal : le sort des enfants placés au cœur de la pièce Nos rêvoltes.

Les Amis du théâtre populaire (ATP) ont accueilli à la Louvière d’Épinal l’équipe de la pièce  Nos rêvoltes. Une œuvre qui traite de situations dramatiques traversées par les enfants séparés de leurs parents et placés en foyer.
Ayant pour cadre un foyer pour enfants placés, la pièce de Simon Grangeat  Nos rêvoltes a beaucoup ému le public de la Louvière.
C’est un sujet sensible qui était abordé lors de la dernière pièce au programme des Amis du théâtre populaire (ATP) jeudi à la Louvière : celui de l’arrachement vécu par les enfants séparés de leurs parents et placés en foyer.
Nos rêvoltes , de Simon Grangeat et mise en scène par Muriel Sapinho, traite en effet de situations dramatiques traversées par beaucoup de jeunes garçons et filles, et souvent passées sous silence.

Ayant pour cadre un foyer pour enfants placés, la pièce de Simon Grangeat Nos rêvoltes a beaucoup ému le public de la Louvière.
Créé à partir d’expériences réelles, de rencontres avec des enfants et des personnels encadrants (psy, éducateurs, assistants), le spectacle a l’avantage de proposer une double lecture enfant-adulte.

Des notes d’espoir et de bonheur
Au fil de l’histoire, les deux comédiens (Jean-Baptiste Epiard et Claire Schumm) jouent le rôle de narrateur et incarnent les différents personnages impliqués. On découvre le parcours de Joseph, un garçon de 12 ans emmené par la police pour intégrer un foyer, sur fond d’inceste maternel, avec tout ce que cela comporte de brutalité, d’injustice et de douleur psychologique.
L’atmosphère des lieux est parfaitement restituée, sa rigueur, son manque d’humanité, mais on est aussi témoin de belles rencontres, notamment avec des adultes bien intentionnés et avec Nour, une élève espiègle et aguerrie au système qui va prendre le petit Joseph sous son aile.
L’occasion de se rendre compte que le destin de ces enfants déplacés peut échapper à la noirceur, et que ces « partitions » déchirantes peuvent toujours comporter des notes d’espoir et de bonheur.

Vosges Matin
mars 2024

Avec Nos rêvoltes, Simon Grangeat a écrit une pièce qui aborde le sujet des enfants placés, sans pathos, ni idéalisation d’une réalité souvent tue.

EN IMMERSION DANS LES MAISONS DE L’AIDE A L’ENFANCE
C’est sur des personnes dont on parle très peu dans la société que Simon Grangeat se penche dans l’une de ses prochaines pièces ; les invisibles parmi les invisibles : les enfants confiés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) et placés dans des Maisons d’enfants à caractère social. « J’ai commencé à écrire cette pièce qui s’appelle Nos Rêvoltes dans un collège de La Ricamarie, près de Saint-Étienne (42). Mais très vite, c’est le sujet des enfants placés qui a surgi. » Après que le sujet de la pièce a été affiné, l’auteur a cherché à aller à la rencontre d’enfants dans cette situation d’éloignement de leur famille. Associé à la compagnie Les Petites Gens, de Muriel Sapinho, et aux associations départementales pour le développement des arts (ADDA) présentes en Occitanie, il a pu nourrir son écriture d’une immer­sion en Maisons d’enfants à caractère social, à la rencontre de ces enfants.

Le récit de Simon Grangeat se passe donc au sein d’une Maison d’enfants à caractère social. Le protagoniste, Joseph, est un préadolescent de 12 ans, retiré à sa mère. Lorsqu’il arrive dans ce lieu inconnu pour lui, tout lui semble étranger. Autant cet endroit et celles et ceux qui l’habitent, que le monde extérieur qu’il a connu, désormais lointain. Une jeune fille, Nour, à la gouaille sans pareil, le prend sous son aile. Elle est son meilleur guide et sa meilleure alliée, elle qui n’a connu que les foyers d’accueil depuis sa naissance.

Écrire pour ces enfants
À travers cette écriture, Simon Grangeat a souhaité mettre la lumière sur ces enfants dont on ne parle jamais. Il l’a écrite avant tout pour eux, mais aussi avec eux. Mais aussi pour et avec les personnels qui les entourent, infirmiers et infirmières, édu­cateurs et éducatrices, psychologues, qui ne sont pas non plus médiatisés habi­tuellement. Cette pièce est un hommage à ces mineurs et à celles et ceux qui les accompagnent, autant qu’elle rend compte de la violence sociale infligée aux résidents de ces maisons. L’hommage selon Simon Grangeat n’est pas béat : « J’ai essayé d’être au plus juste de cette réalité, et pas dans un exotisme de cela. C’est-à-dire, ni dans un exotisme cauchemardesque, ni dans le conte merveilleux. Et je sais aussi que j’ai eu accès à la réalité de Maisons d’en­fants qui fonctionnent bien. En France – sans être forcément placés à un moment de leur vie – 20 % des enfants ont affaire à un suivi des services sociaux. Ils sont des invisibilisés et je ne voulais pas en faire des héros cools, ni des victimes.

Un processus nourri par le dialogue
Afin de refléter au plus proche la réalité vécue par les enfants et par celles et ceux qui les accompagnent, Simon Grangeat s’est donc immergé dans leur quotidien. Il a travaillé l’écriture avec eux, afin de cor­riger ce qui ne serait pas tout à fait juste par rapport à leur vécu, tout en restant dans la fiction. « J’ai beaucoup travaillé la dramaturgie avec les résidents. Ils ont attrapé les incohérences et je réécrivais le texte là où cela était nécessaire. Quand j’ai présenté la pièce, il y a eu une grande émotion. Pour les enfants, le moment du placement est un souvenir traumatique. C’est différent dans le regard des profes­sionnels. Pour eux, le placement n’est pas le “premier jour” car avant, il y aura eu un processus de suivi par les services de l’aide sociale à l’enfance. Dans le dispositif écri­ture, j’étais aussi en lien avec une forma­trice d’éducateurs et d’éducatrices de l’ASE afin de comprendre finement les méca­nismes psychiques qui se jouent chez les enfants, notamment sur les notions de “sécure“ et d’“insécure”, et sur la manière qu’ont les enfants de “jouer” avec cela. » Afin que les enfants ne soient pas envahis émotionnellement par l’écriture, la forma­trice a relu finement la pièce afin que les mots les plus justes soient employés. « Malgré le filtre de la fiction, je ne voulais pas ajouter du désordre dans la tête de ces enfants déjà bien amochés par leur vécu. On a passé des heures à travailler sur des processus de test des enfants vis-à-vis des adultes. Ça structurait la pièce. Par exemple, dans la pièce, Nour fugue en permanence. Si elle fait cela, ce n’est pas réellement pour s’enfuir mais pour bien s’assurer que l’on vient la chercher ; que l’on ne l’oublie pas. C’est inspiré d’une histoire réelle. » La pièce sera créée cette saison par Muriel Sapinho avec deux interprètes, Jean-Baptiste Epiard et Claire Schumm.

Tiphaine Le Roy
Le Piccolo
octobre 2023

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